Amateur de brocantes, je suis tombé l’autre jour sur un livre édité aux éditions De Visscher en 1951.
Son titre : les noms de rues à Bruxelles. Un livre écrit par Aimé Bernaerts et Roger Kervyn de Marcke ten Driessche.
Je me suis dit que cela pourrait sans doute vous intéresser d’en retrouver quelques passages.
Subjectivement, j’ai choisi de retranscrire le chapitre relatif à Ixelles ma commune. Parmi plusieurs observations possibles quant aux choix opérés, j’ai remarqué la quasi absence de noms de femmes. J’ai comptabilisé plus de 110 noms de personnalités.
Seuls 7 noms honorent la mémoire de femmes. Clémentine et Marie-Henriette de la famille royale ; la Malibran qui était cantatrice ; Juliette Wytmans qui était artiste-peintre ; Ernestine, Jeanne et Elise, membres de la famille Vermeren-Coché, propriétaires terriens. Ca fait donc environ 5% seulement de femmes, choquant. La situation a peut-être un peu changé depuis 1951, mais certainement pas fondamentalement.
Si vous avez une question sur une rue d’une autre commune bruxelloise, je me ferai un plaisir de vous envoyer l’information contenue dans ce livre.
"Nos rues portent des noms. Ceux-ci leur ont été donnés pour qu’il fût possible de les repérer sans peine. C’est la raison essentielle de leurs dénominations particulières : une raison d’utilité donc, de quasi-nécessité.
Ixelles
Ixelles (Elsele ou Elsene : la maison aux aunes ou aulnes) a inscrit sur ses plaques indicatrices des noms évoquant des fonctions honorifiques d’autrefois et d’aujourd’hui. C’est ce qui nous a valu la rue du Magistrat [1], la rue du Tabellion [2], la rue du Page, la rue et la place du Châtelain, la rue du Bailli, la rue du Bourgmestre, la rue des Echevins, la rue du Prévôt. Parmi les noms se rapportant à l’histoire locale, il faut citer l’arbre bénit (il se trouve dans le blason de la commune). Dès 1227, on signale un tilleul vénéré par la population. Après la pluie, on exposait sous cet arbre, les enfants fiévreux, et les gouttes qui tombaient de ses feuillesavaient la réputation d’être curatives. La rue de l’Arbre bénit rappelle ce souvenir. Le Château de belle-vue était sis à proximité de la rue de Belle-Vue ; la Villa Sans-Souci fut le prétexte de la dénomination de la rue Sans-Souci.
Rue de l’Esplanade : vers 1829, lorsqu’on traça le boulevard qui encercle le centre de la ville, on laissa, hors de l’enceinte, un terrain vague ; on l’appela l’Esplanade. Jadis, elle servit de plaine de manoeuvres.
Anciennement, deux tours s’élevaient près des remparts de la ville, l’une nommée "Tour Bleue" à proximité de la Porte de Louvain ; l’autre la "Grosse Tour" ou Tour des Drapiers, entre la Porte de Hal et la Porte de Namur. Cette tour, appelée "Wollendries Toren", fut construite aux dépens des tisserands en laine en 1463 [3]. La rue de la Grosse Tour et la rue des Drapiers rappellent cette particularité de l’histoiren locale.
La rue du Bastion rappelle un des ouvrages fortifiés qui s’élevaient le long des remparts. La rue du Champs de Mars, sa voisine, a été tracée sur une partie du chemin de ronde [4]. La guiguette "Aux Champs Elysées" fut le prétexte de la dénomination de la rue des Champs Elysées. La rue Tenbosch rappelle le hameau "Tenbosch", situé là jadis, aux confins de la forêt. Rue de l’Ermitage : vers 1436, des religieux construisirent un ermitage (la Cluyse) sur un terrain situé non loin de Tenbosch. D’autres pensent qu’une campagne du nom d’Ermitage est à l’origine de la dénomination. Une partie de la rue de l’Ermitage s’appelle depui peu rue Paul Spaak (l’auteur de Kaatje).
La rue du Brochet s’appelait primitivement Digue des Dames, traduction erronée de "Damweg", chemin de la Digue. Une rue qui aboutit aux étangs porte le nom de la Digue [5]. La rue des Cygnes rappelle l’auberge "De Zwaen", tandis que la rue Wayemberg désigne pour d’aucuns le Wayemberg (Montagne du Gué), près d’une ancien gué permettant le passage du Maelbeek, pour d’autres un artiste-peintre.
A proximité de la rue Berkendael s’étendait un vallon de bouleaux. Le nom de la rue Keyenveld dériverait de "Careveld" (champ aux cailloux). Sur le plan de 1845 on lit une "rue Kareveld".
Un monument dû au ciseau de Jef Lambeau et intitulé "La Folle Chanson" a inspiré le nom de l’avenue de la Folle-Chanson. Rue Kindermans : jadis du Coq-Tourné. Dans cette rue, un café portait cette curieuse enseigne : "Au Coq Tourné" ; le tenancier du bistro d’en face inscrivit sur sa vitrine "Au Coq Retourné" !
Près de la place Sainte-Croix, du nom de l’église connue sous le vocable de Sainte-Croix, la rue de la Brasserie gravit une petite colline. Celle-ci était désignée dans le temps par "Camberg", ce qui signifie mont de la Brasserie. On a donné aux rues voisines des termes se rapportant à cette industrie : rue du Germoir, rue de la Cuve, rue de l’Orge (actuellement rue des Liégeois [6]), rue de la Levure, rue du Serpentin.
Près de la Porte de Namur, se trouvent des noms de villes et de contrées : Alsace-Lorraine, Dublin (anciennement rue de la Victoire), Paris, Naples, Londres, Edimbourg, plus loin Venise et Idalie (ancienne ville de Chypre consacrée à Vénus !).
A l’avenue des Saisons, aboutissent les rues de l’Eté, de l’Automne et du Printemps. Le thème de la famille royale a aussi été exploité : rue Clémentine, rue Marie-Henriette, rue du Trône, avenue de la Couronne, rue du Sceptre, rue du prince-Royal.
Voici pour l’histoire de Belgique : l’avenue des Eperons d’Or et l’avenue des Klauwaerts ; les rues d’Egmont et de Hornes datent de 1851. Quelques noms furent judicieusement choisis : rue des Deux Ponts, entre le Pont du Germoir et celui de la rue Gray. Rue de la Natation : elle abrite le bassin de natation d’Ixelles ; rue Van Aa : un Hospice de ce nom a été édifié grâce à la générosité de la famille Van Aa ; l’avenue de l’Hippodrome, l’avenue du Champs de Course et l’avenue du Passage mènent au Champs de Course de Boisfort. La rue de l’Athénée abrite l’athénée communal d’Ixelles. L’avenue de l’Université mène à l’Université Libre de Bruxelles. La rue du Viaduc (anciennement "Hollestraat") enjambe les voies ferrées venant de la Gare du Luxembourg. La rue du Lac conduit aux étangs d’Ixelles.
Les rues de l’Abbaye et du Monastère conduisent à l’Eglise de la Cambre. La rue Wiertz, au Musée du même nom. Le parvis Saint-Boniface : devant l’église dédiée à ce Saint.
Un berger tenait une garderie de moutons dans les environs de la rue du Berger. La rue du Belvédère fut percée dans la propriété "Le Belvédère" appartenant à M. Van Mons. La rue de la Paix fut ouverte à la circulation en 1839.
La rue du Centenaire est devenue rue de Vergnies, la rue de la Discorde, rue de Venise, la rue de Berlin, rue d’Alsace-Lorraine, et la rue de Milan, rue Georges Lorand.
La rue de la Cité était appelée autrefois "rue de la Cité Gommand".
Avant que fût percée la rue de la Crèche, il existait, là-bas, une garderie d’enfants. Rue du Nid : à cause, sans doute de la crèche ainsi dénommée. Dès 1669, on parle d’une Kruisstraat (rue de la Croix).
La rue du Président s’appelait d’abord "rue de Gerlache" ; puis, pour éviter une confusion avec telle autre artère qui se trouve ailleurs et porte aussi le nom "de Gerlache", on l’appela "rue du Président". Gerlache était, on s’en souvient, président d’une foule de sociétés.
La rue Schoolgat signifie passage de l’école (comparer l’allemand gasse, passage). Trois avenues d’Ixelles portent des prénoms : Ernestine, Jeanne et Maurice. Une rue aussi : rue Elise. Ce sont quatre prénoms de membres de la famille Vermeren-Coché. Cette famille possédait, par là, d’importantes propriétés. C’est Mme Vermeren-Coché qui insista pour que fût percé le boulevard militaire. Voilà pour les prénoms.
Suivent maintenant tous les noms de personnes :
Les bourmestres d’Ixelles : Legrand (ancien maire), Kerckx, de Vergnies, Emile Duray, Armand Huysman, Raymond Blyckaerts, Adolf Buyl, Fernand Cocq, Eugène Flagey, Van Elewyck (bourgmestre sous le régime hollandais).
Les échevins : Guillaume Stock, Victor Greyson, Emmanuel Van den Driessche, Albert Leemans (Englebert dit Albert) Jules Bouillon, Anoul, Antoine Labarre, Albert Verhaeren, Léopold Delbove, Jean Paquot.
Les conseillers communaux : Guillaume Macau, Eugène Cattoir, Mignot-Delstanche, Henri Marichal. Les littérateurs flamands : Henri Conscience, Dautzenberg.
Les littérateurs de langue française : Jean d’Ardenne, de son vrai nom Léon Dommartin (Spa 1839-Ixelles 1919), Charles De Coster, Camille Lemonnier.
Des artistes-peintres : Wiertz, Félix Bovie, Emile Claus, De Crayer, Jordaens, François Roffiaen, Emile Bouilliot, Juliette Wytsman, François Stroobant.
Les sculpteurs : Godecharles, Auguste Rodin, Bourré.
Un musicien : César Franck, une cantatrice : la Malibran.
Les philanthropes : Lannoy, Lanfray, Ernst Solvay.
Les propriétaires fonciers : Scarron, Limauge, Cans.
Emile de Beco : gouverneur du Brabant. Emile Banning : éminent fonctionnaire des Affairss étrangères de Léopold II. François Dons : expert-comptable, président de la Fédération des oeuvres de protection de l’Enfance (1844-1911). Hector Denis : avocat, homme politique. Louis Lepoutre : président d’une association politique d’Ixelles, député au Congrès National. Defacqz : juriste. Darwin : naturaliste et physiologiste anglais. Major René Dubreucq : fondateur de l’Union Coloniale Belge. Stassart : (Baron de) homme d’Etat, membre du Congrès, ancien Gouverneur du Brabant, fabuliste. Capitaine Crespel : chef de la première expédition belge en Afrique, tombé en terre africaine. Franz Merjay : patriote fusillé par les Allemands à Charleroi. Adolphe Mathieu : historien et poète (1804-1876). Alfred Giron : juriste, président de la Cour de Cassation. Alphonse De Witte : philanthrope, a fait une donation au profit des victimes de la guerre 14-18. Augustin Delporte : officier d’Etat-Major, professeur à l’Ecole de Guerre, cartographe au Congo. Alphonse Hottat : entrepreneur. Alphonse Renard : géologue, minéralogiste. Borrens : philanthrope, bienfaiteur des Hospices. Buchholtz : propriétaire de terrains. Cans : membre de la Chambre des Représentants, directeur de la caisse d’Epargne. Caroly : c’est le nom d’une riche famille bruxelloise. Les Caroly ont leur sépulture au cimetière de Laeken. On se souvient d’un Docteur Caroly, qui fut jadis possesseur du château de Releghem, d’un avocat Caroly (mort en 1823) et d’une dame, veuve Caroly, qui fit construire à ses frais, vers 1841, un pont de la Senne pour faciliter les communications de la ville vers Laeken. De Praetere : artiste-peintre. Ses enfants ont offert à la commune sa collection de tableaux, parmi lesquels plusieurs de ses oeuvres. Ce fut l’embryon du Musée communal. Dillens : ne pas confondre avec le sculpteur Juilen Dillens, qui a sa place à Saint-Gilles. Henri et Adolphe Dillens furent peintres. Lequel a-t-on voulu honorer ? Peut-être les deux. a rapprocher de la rue Bouré (deux sculpteurs), de la rue Duquesnoy (famille de sculpteurs), de la rue Breughel (famille de peintres). de Theux : ancien ministre. Georges Lorand : député qui fit avec Jules Destrée une tournée de propagande en italie en 1914-1918 en faveur des Alliés. Son nom fut donné à la rue de Milan. Goffart : propriétaire de terrains. Gray : promoteur, dès 1819, de la création d’un chemin de fer européen. Gustave Biot : graveur et peintre (1833-1905). Jean-Baptiste Colyns : professeur de violon au Conservatoire (1834-1902). Jules Bouillon : ancien professeur d’athénée et échevin de l’Instruction publique, fut membre du corps enseignant pendant 42 ans. Léon Cuissez : médecin et philanthrope. Léon Jacquet : patriote fusillé pendant la guerre 1914-18. Léon Jouret : musisien et folkloriste athois ; professeur au Conservatoire ; mort à ixelles en 1905. Louis Ernotte : homme d’oeuvres, ancien Président de la Commission des Hospices. Renier-Chalon : numismate distingué. Simonau : François et Gustave, peintres et lithographes. Van den Broeck : professeur en divers collèges et instituteur à Ixelles (1790-1857). Mercelis : nous pensons qu’on a voulu ici évoquer la mémoire de Charles Mercellis, poète, constructeur et ancien membre de la Chambre des Représentants (1798-1864). Vautier : inspecteur des athénées et collèges, homme de lettres (1792-1846). Victor Semet : fils de Louis Semet-Solvay, qui fit des libéralités au profit des habitations à bon marché. Wéry : professeur de violon au Conservatoire. Eugène Cattoir : homme d’oeuvres. Charles Graux : avocat, ancien Ministre des Finances. Jules Lejeune : ancien ministre. Géo Bernier : artiste-peintre. Fritz Toussaint : généreux mécène, donna au musée Communal d’Ixelles plus de cent cinquante toiles. Air Marshal Coningham : maréchal de l’air américain (1940-1945). Jean Chapelié : né à Marseille en 1792, se distingua dans la guerre d’Espagne. Léopold Ier lui demanda d’organiser l’Ecole militaire en 1834. Il est naturalisé Belge en 1839. Thys : général de l’Armée belge. Pierre Curie : savant physicien français, a étudié les propriétés du radium. Maximilien : prénom de M. Dugniolle, propritéaire de terrains. Guillaume Gilbert : Bourgmestre de 1840 à 1845. Jean Van Deuren : entrepreneur et philanthrope. Jean-Baptiste Meunier : graveur, professeur à l’école des arts d’Ixelles, fut le professeur de son frère Constantin, le sculpteur célèbre.
Les méfaits de la débaptisation se sont fait sentir aussi dans cette commune. La rue de la Pensée devint rue Lanfray, la rue Gomand, rue Van Aa, la rue Saint-Boniface, rue Jules Bouillon, la rue Jacquelart, rue de l’Athénée, la rue du Damhouder, rue de Livourne. Notons avant de clore le chapitre concenrnant Ixelles, que la villa Sans-Souci, à qui la rue a emprunté son nom, était avant son aménagement une guinguette, que l’avenue du Solbosch était le "chemin des vaches", que le quartier "Petite Suisse" s’étendait sur la côte qui sépare le bas-Ixelles de la lisière du bois de la Cambre (la place de la petite Suisse évoque ce souvenir) et qu’enfin la rue du Couvent doit son nom au couvent des "Soeurs de Marie".
La rue du Mail évoque une ancienne promenade publique. Le rond-point de l’Etoile fut ainsi dénommé à cause de la topographie de ce lieu où aboutissent plusieurs avenues. Jadis, on le nommait "rond-point de la Petite Suisse".
La rue Prince-Albert fut ouverte en 1873. Son nom fut donné en l’honneur de l’époux (1819-1861) de la reine Victoria.
Le boulevard du Triomphe se nommait autrefois boulevard de la Plaine. Est-ce la proximité des casernes et l’issue victorieuse de la guerre qui a fait choisir ce nom par Auderghemp et Ixelles ? Sans doute.
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